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______QUESTIONS/REPONSES AVEC ENRIQUE JEZIK________________
___LA SÉCURITÉ C'EST LE CONFORT MODERNE____________________

TEXTE PUBLIÉ DANS LA REVUE 02
REVUE TRIMESTRIELLE D'ART CONTEMPORAIN
N° 23 (4EME TRIMESTRE 2002) - GRATUIT
A L'OCCASION DE L'EXPOSITION DE ENRIQUE JEZIK AU CONFORT MODERNE À POITIERS

LA SÉCURITÉ C'EST LE CONFORT MODERNE

Enrique Jezik questionne la violence et l¹utilisation médiatique qui en est
faite, et si l¹art, selon lui, sert avant tout à poser des questions, on
découvre en filigrane dans tout son travail cette affirmation : la violence
organisée est avant tout un monopole d¹état. L¹armée, la police, les
entreprises de gardiennage et la vidéo surveillance sont les outils de sa
rationalisation que de fins stratèges, depuis que l¹histoire s¹écrit, ont
poussés à l¹extrême.
L¹utilisation actuelle des médias de masse comme la télévision qui nous fait
vivre certaines guerres en direct ne fait que renforcer cette conviction.
Le regard que Jezik porte sur l¹histoire ancienne et récente semble
confirmer son propos.
Argentin, élevé dans une dictature militaire et vivant depuis 10 ans à
Mexico (ville considérée comme une des plus violente), il a toujours eu sur
place tout le matériel que requéraient ses recherches et baigné dans le
contexte qui a forgé ses obsessions.

Contrairement à Minerva Cueva (cf. numéro précédent), Enrique Jezik n¹est
pas un adepte de l¹action directe, il reste toujours dans la représentation
avec, en plus, un grand soin formel. Il ne vous invite pas à participer ou
faire ¦uvre, mais cherche à mettre certains faits en évidence et convie à
une réflexion. 
Intrinsèquement contestataire, car il effectue une analyse critique du
maniement de l¹information relative à la violence, Enrique Jezik se défend
pourtant de chercher à dénoncer. Il est vrai qu¹il n¹accuse personne en
particulier. Fonctionnant de manière intuitive, il illustre les oppressions,
les agressions ou les massacres en se plaçant plutôt du point de vue de la
victime.
S¹il y a dans son travail une évidente esthétisation de la violence, qui
opère une forme de séduction morbide, elle n¹est certainement jamais
magnifiée ou idéalisée. Par exemple, lorsqu¹il fouille lentement avec sa
caméra une photographie représentant un bataillon de vétérans de guerre
iraquiens infirmes sur leur chaise roulante, il met en évidence les
conséquences humaines de la guerre. L¹attention qu¹il y porte est
d¹intensité égale à la volonté de l¹état américain (relayé par CNN) de nous
faire croire qu¹une guerre propre et chirurgicale est possible. De la même
façon quand Gianni Motti réutilise des photographies de guerre refusées par
la presse, (car jugées trop banales) c¹est la spectacularisation de la
violence par les médias qui est au centre de son analyse. Ces deux exemples
relèvent d¹une approche très similaire, l¹attitude que l¹un et l¹autre ont
adoptée a été de révéler un invisible que nous pouvions imaginerS et nous
voilà étonné d¹être surpris.
Dans une autre de ses pièces « Guardia » (Garde) Jezik nous présente un
policier qui a pour mission de protéger un téléviseur qui diffuse les images
d¹un garde en faction devant le même téléviseur (et qui ne sait pas qu¹il
est filmé à son tour). Qui protège qui ? et de qui ? semblent-être les
questions qui nous entraînent, accentuées par l¹utilisation de l¹effet «
poupées russes », dans la spirale de la surenchère du délire sécuritaire.
Ce qui peut-être distingue ce travail de nombreux travaux contestataires,
c¹est l¹absence de vindicte, une froideur rationnelle qui se dégage des
travaux et qui semble empruntée aux théoriciens de guerre qui rationalisent
les tueries et la destruction. Pas de compassion, ni de colère, l¹émotion
semble prendre autant de place que lorsqu¹un dirigeant pakistanais assène «
Notre pays sera une puissance nucléaire même si le peuple doit manger de
l¹herbe ».
Cette distanciation est peut-être un mécanisme de défense, mais relève
peut-être aussi d¹une forme de fatalisme qui est propre aux habitants de
territoires qui ont été conquis et occupés trop longtemps. Mais quand on n¹a
jamais rien eu de bon à attendre de ses dirigeants, on acquiert aussi une
forme de liberté face au pouvoir qui pourrait s¹apparenter à de l¹irrespect.
Enrique Jezik fait parti de ces fatalistes qui parlent fort et
distinctement.

pierreraine@wanadoo.fr
 
 
 
 
 
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___FILIATION ET COMPLEXE FREUDIEN__________________
  
  

 

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